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by Jean-Baptiste Lockhart Michaut alias jbTrendy & Ex jeanTox

samedi 12 avril 2014

Le cristal, une fenêtre ouverte sur le vivant !!!

Par Yann Verdo | 11/04 | 20:52

La cristallographie est à l’origine d’une moisson inégalée de prix Nobel. Cent ans après sa naissance, cette science méconnue reste un formidable outil au service de toutes les autres.

Les cristaux (ici, de quartz) sont partout dans la nature. La science qui leur est dédiée fête cette année son centenaire. - Shutterstock
Les cristaux (ici, de quartz) sont partout dans la nature. La science qui leur est dédiée fête cette année son centenaire. - Shutterstock
Une révolution silencieuse a débuté il y a une centaine d’années et continue de battre son plein aujourd’hui. Son nom ? La cristallographie, ou science du cristal. Un nouveau champ de recherches qui s’est brusquement ouvert à la veille de la Première Guerre mondiale quand un jeune physicien allemand du nom de Max von Laue, de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich, a eu l’idée de regarder ce qui se passait si l’on bombardait les atomes d’un cristal avec des rayons X. La diffraction des rayons X était née et allait devenir l’instrument le plus puissant jamais inventé pour étudier la matière, qu’elle soit inerte ou organique.
Mais pourquoi un cristal, et pourquoi des rayons X ? Et qu’est-ce au juste que la diffraction ? Si la cristallographie reste, un siècle après sa naissance, une science méconnue du plus grand nombre, cela tient en partie au nombre de préjugés parasitant la notion même de cristal. Le « verre de cristal » qui a fait la réputation de marques comme Arques, Baccarat, Lalique ou Swarovski n’a de cristal que le nom : le matériau ainsi dénommé car enrichi en plomb reste du verre, c’est-à-dire une matière amorphe, inorganisée. Tout l’inverse de ce que physiciens et chimistes appellent un cristal, état de la matière caractérisé par l’arrangement régulier et se répétant comme un motif des atomes ou des molécules.
« La quasi-totalité du monde sur lequel nous vivons est cristallin, souligne le cristallographe Michel Giorgi, ingénieur de recherche à l’Université d’Aix-Marseille. Si l’on met de côté l’eau des océans qui ne représente que 0,03 % de la masse terrestre, restent la croûte et le manteau qui sont constitués à 95 % de silicates, donc de cristaux. » De fait, à part nos plus belles flûtes à champagne, les cristaux sont partout autour de nous : le sel, le sucre, le chocolat, mais aussi la grande majorité de nos médicaments, les pigments teintant nos vêtements, les bijoux dont nous nous parons et les constituants de nos appareils micro-électroniques sont des cristaux.
Mais ce n’est pas tout. La nature aimant l’ordre, tout ou presque peut, sous certaines conditions de pression et de température, passer de l’état amorphe (inorganisé) à l’état cristallin (organisé). Y compris ces macromolécules essentielles à la vie que sont les protéines. La méthode, simple dans son principe mais d’une exécution délicate, consiste à sursaturer une solution liquide avec les protéines qu’on veut cristalliser : de même que le sel de mer cristallise quand l’eau s’évapore, de même cette sursaturation conduit-elle au bout d’un temps variable à la « germination », c’est-à-dire à l’apparition de microstructures cristallines qu’il suffit ensuite de laisser croître d’elles-mêmes. Les chimistes chargés de ce travail portent en anglais un drôle de nom : les « cristal breeders », éleveurs de cristaux.

Une moisson de prix Nobel

Quand la matière se présente sous cette forme organisée, cristalline, elle peut se laisser scruter avec un faisceau de rayons X. Ceux-ci sont caractérisés par une longueur d’onde proche de la distance qui sépare les plans atomiques dans les solides, qui se mesure en angström (un angström vaut un dixième de nanomètre, soit un dix milliardième de mètre). Du fait de cette très courte longueur d’onde, le faisceau de rayons X rebondit sur les atomes dans toutes les directions. Le rayonnement ainsi diffracté est enregistré dans un diffractomètre ; les ordinateurs opèrent ensuite un savant calcul (une « transformée de Fourier », disent les initiés) pour convertir le cliché ainsi obtenu en une carte de densité électronique révélant la structure en trois dimensions du cristal étudié.
C’est en analysant un cliché de diffraction d’une fibre d’ADN que Francis Crick et James Watson ont pu établir en 1953 la structure en double hélice de ce support de l’information génétique. Plus près de nous, au milieu des années 2000, il en est allé de même de la plus importante percée en biologie moléculaire après la découverte de Crick et Watson, à savoir celle du fonctionnement détaillé du ribosome, ce chef d’orchestre de la fabrication des protéines à partir du code ADN. Une découverte qui vaudra elle aussi un prix Nobel (de chimie) à ses auteurs. Au total, la cristallographie est impliquée dans plus d’une quinzaine de prix Nobel (dix de chimie, six de physique, un de médecine). Une moisson sans équivalent.

Le biologiste et la boîte noire

« Seule la cristallographie permet de dévoiler la structure tridimensionnelle des protéines », insiste Yves Bourne, directeur du laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (AFMB, une unité mixte CNRS-Aix-Marseille Université). La connaissance de cette structure tridimensionnelle (les biologistes parlent de structure ternaire) n’est pas gratuite : de la façon dont la protéine se replie sur elle-même et organise ses atomes dans l’espace dépend en effet sa fonction biologique. « Tel prion replié d’une certaine façon est normal et d’une autre façon anormal, c’est-à-dire toxique », illustre Yves Bourne. Le recensement de tous les repliements possibles est au cœur du chantier que constitue la Protein Data Bank (PDB), une base de données riche de 90.000 structures de protéines.
La chiralité est une autre propriété importante du vivant à laquelle seule la cristallographie permet d’avoir accès. Un objet est dit chiral lorsqu’il ne peut pas être superposé à son image dans un miroir. Une molécule chirale peut exister sous deux formes symétriques l’une de l’autre et dotées chacune de propriétés chimiques et biologiques bien distinctes. D’où l’importance de déterminer, grâce à la cristallographie, à laquelle de ces deux structures symétriques (le terme scientifique est « énantiomères ») on a affaire.
Dans l’industrie pharmaceutique notamment, la méconnaissance de la structure 3D de la molécule a eu par le passé des conséquences parfois dramatiques. Jusqu’au début des années 60, le thalidomide, un anti-nauséeux prescrit aux femmes enceintes, était commercialisé sous ses deux énantiomères. Or l’un d’eux était tératogène et entre 10.000 et 20.000 bébés sont nés à cause de lui avec de graves malformations. Depuis, l’industrie pharmaceutique a massivement subventionné les recherches en cristallographie et il n’est plus possible de commercialiser un médicament sans avoir préalablement, grâce à la diffraction des rayons X, déterminé sa configuration en 3D. Le service de diffraction des rayons X du Spectropole, que dirige Michel Giorgi à Marseille, est un spécialiste reconnu de ces études sur la chiralité.
Les applications de la cristallographie dans l’étude du vivant sont innombrables. « Le biologiste étudie une boîte noire, explique Bernard Henrissat, directeur de recherche au CNRS en charge de l’équipe Glycogénomique de l’AFMB (lire ci-dessous). Il n’existe pour lui que deux façons d’ouvrir cette boîte noire afin d’obtenir une réponse définitive à ses questions. L’une est le séquençage ADN ; l’autre, la cristallographie. »

Yann Verdo

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