Knowing Operative Zone for Independant Wisdom Movement (KOZ 4 IWM)

by Jean-Baptiste Lockhart Michaut alias jbTrendy & Ex jeanTox

lundi 31 mars 2014

Manuel Valls, premier ministre, adoubé par le groupe Bilderberg !!!

BRUNO FAY

dimanche 22 janvier 2012
Manuel Valls, le nouveau premier ministre de François Hollande, a été adoubé par le groupe Bilderberg, un des cénacles les plus sélects de l’oligarchie. Créé en 1952 pour rapprocher les élites américaines et européennes, ce groupe réunit chaque année des grands dirigeants économiques et des politiques prometteurs. En tant que "socialiste ouvert", M. Valls avait ainsi été invité par le groupe Bilderberg, "afin de lui ouvrir les yeux sur certains points".

Le groupe Bilderberg est un des cénacles les plus sélects par lesquels le régime oligarchique contourne le système démocratique. Banquiers et financiers de haut vol se retrouvent chaque année pour réfléchir ensemble, invitant des responsables politiques prometteurs, dont ils jugent qu’ils partagent leurs avis et leurs intérêts. Le journaliste Bruno Fay avait eu la bonne idée de demander à interviewer le vicomte Etienne Davignon, l’alors président du Comité de direction du groupe Bilderberg. Cette interview très intéressante a été publiée dans son livre Complocratie, paru en 2011. Il a accepté queReporterre reprenne un passage de cette interview.
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Le président du Bilderberg a confiance en Manuel Valls
Bruno Fay
J’interroge maintenant Etienne Davignon sur le choix des invités. (...) Bill Clinton, Lionel Jospin, José Manuel Barroso et tous les autres ont été systématiquement invités l’année précédente de leur élection ou de leur nomination.
"Les choses se passent dans l’autre sens", me répond-il. "Chaque année, on demande aux membres d’identifier les personnalités qui émergent dans leur pays. Par exemple, l’an passé, nous avons demandé à nos amis anglais duSteering Committee de nous donner des noms. Ils nous ont proposé d’inviter George Osborne qui a été depuis nommé chancelier de l’Échiquier dans le cabinet de David Cameron [le premier ministre britannique]. Pourquoi Osborne ? Parce que c’était un homme jeune, prometteur, du Parti conservateur, et que c’est intéressant aussi bien pour lui, que pour nous, de nous rencontrer.
"Pour Clinton, c’est la même chose. Il est venu en 1991, deux ans avant son élection, parce que nos amis démocrates nous avaient dit que c’était un garçon intéressant et sympathique. À l’époque, quand il nous a dit qu’il voulait devenir président des États-Unis, on a tous cru qu’il était dingue.
"Nous invitons deux catégories de personnel politique : ceux qui sont au pouvoir, dont nous aimerions bien connaître leur avis sur les sujets que nous traitons, et ceux qui nous paraissent appartenir à des générations montantes.
"C’est par exemple le cas de Manuel Valls qui nous a paru intéressant en tant que socialiste français ouvert. On n’est pas là pour faire sa promotion, mais il n’est pas exclu que ça lui soit utile et que ça lui ouvre aussi les yeux sur certains points. Ensuite, certains de nos invités ont un destin, mais ce n’est pas de notre fait. Je crois plus à notre vision."

Source : Reporterre et Bruno Fay, Complocratie (éd. du Moment, 2011), p. 206-207.
Première mise en ligne sur Reporterre le 22 janvier 2012.
Photo Manuel Valls à l’Assemblée nationale, à côté de François Hollande enjanvier 2011.
Complément d’infos : Une vidéo où Manuel Valls finit par affirmer que ceux qui se posent des questions sur le Bilderberg nient la Shoah...

dimanche 30 mars 2014

Haziza contre Boniface : un combat perdu d’avance !!!

Néo-maccarthysme à la française. Découvrez comment le chantage à l'antisémitisme s'avère désormais inefficace pour museler la liberté d'expression.

Le 30.03.2014 à 18h07

Lancée le 22 mars sur Twitter, la campagne de diabolisation menée par Frédéric Haziza à l'encontre de Pascal Boniface a fait "pschitt": en dépit de 13 tweets en 8 jours accompagnés d'une diatribe publiée par le Huffington Post et relayée par lesite du Crif ainsi que par Dreuz Info (média de l'extrême droite sioniste), les internautes n'ont pas amplifié sur les réseaux sociaux la manoeuvre du journaliste-communautariste de LCP et Radio J.
À l'inverse, une pétition de soutien au géopolitologue a déjà réuni plus de 2700 signatures en 3 jours.
boniface haziza
Le fond de l'affaire? La liberté de débattre de la proportion entre motif crapuleux et motivation antisémite dans l'affaire dite du "gang des barbares".
Un connaisseur du dossier, l'avocat Gilles Antonowicz, va d'ailleurs publier un livre à ce sujet, en mai prochain, pour dénoncer, comme l'avait fait l'ex-avocatGuillaume Weill-Reynal, l'instrumentalisation de la lutte contre l'antisémitisme dans cette affaire.
Rappel: Frédéric Haziza est un journaliste rémunéré par le service public français qui déclara pourtant avoir "toujours défendu Israël dans (sa) carrière" et qui demanda aux « juifs de France de faire bloc derrière » l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert.
Par ailleurs, en septembre dernier, ce titulaire d'une carte de presse affirma, sans citer ses sources, que l'Iran aurait "promis au monde la barbarie nucléaire".

Enfin, Frédéric Haziza avait déjà tenté -en janvier- de jeter l'opprobre sur Pascal Boniface: le géopolitologue avait soutenu le directeur de publication de Panamza lors de l'annonce d'une poursuite judiciaire pour "diffamation" intentée par Caroline Fourest (une essayiste qualifiée jadis de "sérial-menteuse" par le directeur de l'IRIS).

Soutien à Hicham Hamza, convoqué par la police pour avoir qualifié Caroline Fourest de « désinformatrice »
http://www. e-fourest-desinformatrice 

Usant d'un raccourci trompeur et malhonnête, Fréderic Haziza avait alors écrit sur Twitter les mots suivants:

Soutien "expert" @PascalBoniface à H.Hamza porte-parole thèse du complot dIsraël dans attentats11sept
http://twitter.com/frhaz/status/419409808497061889/photo/1  
Si l'auteur de ces lignes défend effectivement, documents officiels à l'appui, l'exploration de la piste -passée sous silence- d'une implication de l'appareil d'État israélien dans les évènements du 11 septembre 2001, ce n'est pas sur ce sujet -mais sur l'affaire Fourest- que Pascal Boniface a fait connaître son soutien.
De même que la campagne de dénigrement lancée la semaine dernière, cette tentative antérieure de Frédéric Haziza -consistant, dans le même mouvement, à relier Pascal Boniface à une "thèse" sulfureuse et à diaboliser celle-ci sans le moindre argument- aura finalement fait un flop.
N'est pas leader d'opinion qui veut.

HICHAM HAMZA                                                              

Pourquoi il faut sortir de l'euro par Frédéric Lordon !!!

Marianne

Propos recueillis par Hervé Nathan | Samedi 29 Mars 2014



L'économiste Frédéric Lordon publie "la Malfaçon", réflexion sur la manière dont la monnaie unique européenne a détruit les souverainetés populaires. Le livre le plus important avant les élections européennes. Il a répondu à "Marianne" en exclusivité.



Baltel/SIPA
Baltel/SIPA


Fut un temps où il était impossible d'émettre la moindre critique sur l'euro. La pensée économique était aussi unique que la monnaie et endormait les 324 millions de citoyens peuplant ladite zone euro. La crise de 2008, la plus longue et profonde depuis 1930, a balayé les certitudes au point que l'euro bashing serait presque devenu tendance. Raison de plus pour être sélectif dans la critique. Celle que nous propose aujourd'hui Frédéric Lordon sort justement du commun. Plutôt que de nous démontrer par a + b qu'on peut sortir de la monnaie unique, que cela ne nous coûtera pas trop cher, que les problèmes économiques du pays en seraient magiquement résolus et que cela ne tirerait pas à conséquences, il affirme au contraire, à raison, qu'il ne s'agira pas d'un dîner de gala. 

Absence de démocratie 

Si la Malfaçon s'avère, ce que nous postulons, être l'essai le plus important avant les élections européennes du 27 mai prochain, c'est qu'il élève le problème à son vrai niveau, celui de la politique, au sens de savoir qui gouverne la cité. Les traités constitutifs de l'euro ont littéralement congelé la politique économique, l'ont emprisonnée dans des rets si serrés que les peuples n'ont plus le pouvoir de choisir leur avenir, ce qui est bien l'absence de toute démocratie. Le réquisitoire implacable de Lordon, c'est que tout ça n'est pas le fait du hasard : «Que le peuple souverain puisse décider et réviser à sa guise, c'est ce que les puissances qui dominent la construction européenne ne veulent à aucun prix. Il ferait beau voir que le souverain décide contre les intérêts du capital.». 

Faut-il le suivre jusqu'au bout ? Au centre de la Malfaçon, il y a l'Allemagne, purement et simplement réduite ici à l'idéologie de la Bundesbank. Or c'est pourtant d'Allemagne, de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, que nous vient l'exigence renouvelée d'un pouvoir européen réellement démocratique. Mais la primauté supposée de la banque allemande sur le pouvoir politique permet de nier toute évolution possible de l'Europe, et donc, non seulement de prôner la sortie de l'euro, mais aussi le détricotage de l'Union européenne elle-même, ce qui est encore autre chose. Lordon ne laisse aucune chance à une «autre Europe». Même s'il s'en défend, le retour au «national» n'est qu'une étape, le point de passage vers un autre monde possible, l'abolition du capitalisme, qui redeviendrait une potentialité dès lors que le peuple serait en possession du pouvoir. On pense irrésistiblement à un «programme de transition», comme aurait dit Léon Trotski, qui amènerait par étapes la société à remettre en cause tout l'ordre social établi. Il n'est pas question de s'interdire l'utopie - à l'heure de la crise, qui le pourrait ? Notre problème à tous, c'est que tandis qu'aucune formation de la gauche ne soutient pour l'heure cette solution, à l'autre bout de l'échiquier politique, une Marine Le Pen a aussi repéré «l'ouvre-boîtes» que serait une sortie de l'euro. Non pas pour aller vers l'émancipation des travailleurs, mais pour ériger à partir de la souveraineté retrouvée un modèle d'Etat autoritaire et de ségrégation. Et elle a une longueur d'avance. n Hervé Nathan 

Marianne : Le débat que nous allons avoir n'a pas besoin de faire le procès de l'euro. Nous tenons pour acquis que la monnaie unique, telle qu'elle a été instituée, dysfonctionne, que les règles qui la gouvernent sont, comme vous l'affirmez, «intrinsèquement stupides». Ce qui nous intéresse d'abord, c'est que vous présentez la crise comme «politique avant d'être économique»... 

Frédéric Lordon : En effet, je ne situe pas l'enjeu majeur de la sortie de l'euro dans une stratégie économique de dévaluation du change mais dans une entreprise politique de restauration de la souveraineté. Dont la monnaie unique a opéré une invraisemblable destruction. Il faut d'abord y voir l'effet de l'ordolibéralisme allemand [courant libéral apparu dans les années 30] pour lequel le caractère souverain des politiques publiques est une abomination de principe, l'arbitraire et la déraison étatiques par excellence. Sans surprise, c'est en matière de politique monétaire que cette phobie a été portée à son plus haut point. Imposée telle quelle à l'Europe par l'Allemagne, elle a conduit à un modèle qui asservit la conduite des politiques économiques à des règles a priori, celles des traités. Mais dans «politique économique» il y a bien «politique» ! Terme qui se trouve pourtant purement et simplement annulé par réduction à une automatique de la «stabilité». Pour faire bonne mesure, l'Allemagne, anticipant non sans raison que les règles pouvaient être violées, a obtenu que les politiques économiques soient exposées au jugement permanent des marchés de capitaux, instance disciplinaire à la puissance sans équivalent et infaillible garante du respect des normes de l'orthodoxie, le nom convenable dont s'habillent les intérêts de la rente. Les tares économiques de cette construction sont maintenant parfaitement connues. Mais ses tares politiques sont bien pires. L'ordolibéralisme euro-allemand a eu pour effet de barrer l'essence même de la souveraineté politique. Et l'Europe présente nous oblige à répondre à cette question : acceptons-nous de vivre dans un monde d'où toute substance politique a été retirée ? 

A vous entendre, on a changé de régime, passant de la souveraineté au pouvoir du capital. Or, on n'a pas l'impression que les buts poursuivis par les gouvernements et les majorités différaient fondamentalement d'aujourd'hui. Le personnel politique du «monde d'avant» est toujours en place. Nous serions passés en dix ans de la lumière à l'ombre. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? 

F.L. : Comme souvent, le paradoxe n'est qu'apparent. Il est tout à fait exact que les orientations présentes de la politique économique française sont en place depuis les années 80, et, en cela, ne doivent rien à l'union monétaire, qui les a redéployées dans son cadre propre. Mais avec une différence radicale : en leur donnant un caractère non seulement supranational mais constitutionnel ! La tare congénitale de l'euro se tient précisément ici : dans le fait d'avoir constitutionnalisé des contenus de politiques publiques, économique et monétaire en l'occurrence. Rêve néolibéral assurément, mais monstruosité scandaleuse à quiconque conserve un peu de sens aux mots de «souveraineté démocratique». On constitutionnalise les principes généraux de l'organisation des pouvoirs publics, ou bien des droits fondamentaux. Mais la sanctuarisation irréversible, sous la norme juridique la plus haute, donc la moins atteignable, de ce que doivent être et de ce que doivent faire les politiques publiques, c'est une infamie qui ruine jusqu'à l'idée même de modernité politique. Il nous reste donc le loisir d'organiser à notre guise la flicaille et les Vélib'. Mais de ce qui pèse le plus lourdement sur les conditions d'existence de la population, les politiques économiques, nous ne pouvons plus discuter : les réponses sont déjà tout écrites et enfermées dans d'inaccessibles traités. C'est une monstruosité politique contre laquelle il faut redire que la démocratie consiste dans le droit irrécusable à la réversibilité, à la possibilité permanente et inconditionnelle de la remise en jeu, dans le cadre de la délibération politique ordinaire. La montée générale des extrêmes droites n'est pas autre chose qu'une pathologie réactionnelle, qui doit tout ou presque à cette atteinte fondamentale à la conception que les collectivités politiques se font d'elles-mêmes comme communautés de destin souveraines. 

Vous affirmez donc qu'il faut retrouver la souveraineté. Et, dites-vous, «c'est plus facile dans le cadre national, qu'au niveau européen». Certes, mais on ne parle pas de la même échelle. Au niveau national, on récupérerait les instruments de pouvoir d'un pays de 65 millions d'habitants. Au niveau de la zone euro, de la puissance de feu de 324 millions d'âmes. Par exemple, un protectionnisme européen serait plus productif vis-à-vis du reste du monde qu'un protectionnisme national... 

F.L. : Je soutiens en effet que la base nationale a pour rustique vertu que les structures institutionnelles et symboliques de la souveraineté y sont là, tout armées, et prêtes à être instantanément réactivées en cas de besoin. Cependant, qu'une stratégie de protectionnisme à l'échelle européenne soit plus efficace, j'en conviens sans la moindre difficulté. Mais en principe seulement. Car, en pratique, qui peut imaginer un seul instant qu'une Commission intoxiquée de libre-échangisme jusqu'au trognon puisse jamais vouloir une chose pareille ? A moins, bien sûr, qu'il ne se produise une miraculeuse unanimité intergouvernementale pour le vouloir à sa place... Mais, si votre question est plus largement celle de la sortie «par le haut» d'un fédéralisme européen souverain, il y a malheureusement loin de l'idée générale à sa réalisation. 

Certes, mais qui est réticent ? Les Allemands ? Non ! Ce sont les Français qui refusent constamment les propositions des Allemands pour rétablir un niveau de souveraineté au niveau européen. Jacques Chirac et Lionel Jospin ont refusé en 2000 les propositions démocratiques de Joschka Fischer. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe affirme périodiquement que l'on ne peut pas continuer à gouverner la zone euro sans le consentement des citoyens et demande un saut démocratique... 

F.L. : Que l'Allemagne soit plus allante - très relativement - que la France pour se diriger vers un fédéralisme européen, ça ne m'est pas coûteux non plus de l'accorder. Mais quel fédéralisme l'Allemagne a-t-elle en tête exactement ? Comment imaginer qu'elle puisse le concevoir autrement qu'en y reconduisant l'absolu sine qua non du modèle de politique économique qu'elle a imposé à l'Europe, et dont elle a fait, dès le début, la condition non négociable de toute participation ? 

L'idée d'un fédéralisme européen est très aimable en principe, mais ses défenseurs oublient systématiquement de s'interroger sur ses conditions de possibilité. Or on ne s'en tirera pas avec un simple bricolage institutionnel qui penserait avoir fait de la politique en posant une nouvelle chambre dotée de quelques prérogatives élargies au milieu de nulle part. Cette croyance formaliste, à laquelle le philosophe Jürgen Habermas a donné le nom de «patriotisme constitutionnel», est pour l'heure une chimère. Car les institutions n'instituent pas leurs propres prérequis, et notamment celui qui garantit un fond de communauté tel que pourra s'appliquer une loi de la majorité européenne, à laquelle une minorité consentira à se soumettre sans avoir aussitôt envie de faire sécession. Or, voici l'expérience de pensée à laquelle je conditionne toute idée fédéraliste européenne : l'Allemagne accepterait-elle, non seulement que soient réintégrées dans le périmètre de la délibération démocratique ordinaire toutes les matières qu'elle s'est évertuée à sanctuariser dans les traités, mais aussi d'être mise en minorité si d'aventure la démocratie européenne décidait de revenir sur l'indépendance de la banque centrale, de monétiser les déficits ou de rompre avec l'obsession anti-inflationniste ? Tant qu'on n'aura pas prouvé que la réponse à cette question peut être positive, l'idée de fédéralisme européen demeurera une abstraction politique nulle et non avenue. 

La réponse est non aujourd'hui. Mais les choses changent historiquement. Les Allemands bougent, certes lentement et sans entrain, mais les majorités successives outre-Rhin ont toujours fait le pas nécessaire. Rien ne dit par exemple que la Cour de Karlsruhe ne finisse pas par accepter le soutien que la BCE de Mario Draghi a apporté aux Etats en difficulté... Vous désespérez un peu vite ! 

F.L. : Comme toute société, l'Allemagne évolue et ses invariants symboliques de longue période (pas si longue d'ailleurs, tout ça ne remonte jamais qu'aux années 20) finiront évidemment par changer, en matière monétaire comme pour le reste. Mais la question est ici toute concrète : quand ? Des peuples crèvent et l'urgence est extrême. Le seul accélérateur de l'histoire possible viendrait de ce que l'Allemagne, à son tour, se mette à souffrir des dégâts que ses principes infligent à toute l'Europe. Eventualité improbable cependant, car les principes allemands sont... adéquats à l'économie allemande ! 

Certains critiques de l'euro affirment qu'il faut «casser l'euro pour sauver l'Europe». Mais ce n'est pas votre propos : votre projet de monnaie commune, alternative à l'euro, exclut l'Allemagne, et de fait ses satellites : Autriche, Pays-Bas, Finlande, Belgique. Une Europe sans ces pays, ce n'est pas l'Europe... 

F.L. : Oui, la monnaie commune se ferait, dans un premier temps, sans l'Allemagne ni ses satellites. Le projet européen y survivrait-il, comme à une sortie unilatérale de l'euro, d'ailleurs ? Je ne sais pas, et, pour tout vous dire, c'est une question que je ne trouve pas très importante. Ou plutôt que je trouve mal posée telle quelle. Il faut en finir avec ce fétichisme européen, qui cherche à «faire l'Europe» sans jamais s'interroger sur les conditions de possibilité politiques de ses lubies successives. Et il faut en finir aussi avec ces imprécations, moitié débiles, moitié hallucinées, qui nous promettent l'enfermement façon forteresse et la régression obsidionale en cas d'abandon de l'euro, comme si la France d'avant l'euro, comme si les 170 nations hors Union européenne n'étaient que des Corée du Nord. La bêtise d'une certaine éditocratie est sans fond. Il n'y a que des avantages à cesser de poursuivre des fantasmes de constructions mal conçues, pensée défectueuse qui a produit suffisamment de désastres pour qu'on s'en avise. On peut ne pas faire monnaie unique ni libre-échange sans rivage, et pourtant continuer d'approfondir tous les autres liens entre peuples, précisément en déshérence aujourd'hui : scientifiques, artistiques, éducatifs, culturels. Incroyable : il y a une vie possible entre les nations hors la circulation des marchandises et des capitaux ! 

Reste une question politique. Vos propositions, comme celles de Jacques Sapir, ne sont portées que par une formation en France, à l'extrême droite, dont vous dites que vous «l'exécrez». Vous-même, vous êtes pour la sortie du capitalisme. Alors êtes-vous «l'idiot utile» du Front national, c'est-à-dire un homme aux convictions sincères mais qui fournit à d'autres les marrons à retirer du feu ? Que faire pour ne pas être récupéré ? 

F.L. : A part répéter que l'entreprise politique du FN m'est odieuse, rien. Ou plutôt si : refuser à toute force la démission intellectuelle et politique qui consent à se laisser dépouiller de tout - euro, mais aussi critique de la finance, et même lutte des classes ! - dès lors que le FN y a mis ses pattes sales. Les idiots utiles me semblent plutôt à trouver du côté des tenants de cette désertion qui a pour effet de laisser au FN le monopole et de la critique et de la défiguration de la critique. Si mon travail a un sens politique, c'est bien celui de lui ravir ce monopole, que d'autres partis, le Front de gauche notamment, s'emparent de ces idées et nous délivrent de ce fléau où d'ailleurs l'européisme abstrait trouve désormais son premier et dernier argument. Carles alliances objectives ne sont pas toujours celles qu'on croit.  





REPÈRES 

Ordo-libéralisme 

Ecole de pensée économique issue de la pensée chrétienne allemande qui postule que l'économie de marché doit s'inscrire dans un cadre normatif fixé par l'Etat, qui ne doit ensuite pas intervenir dans son fonctionnement. Les règles sont nécessaires et suffisantes à garantir l'ordre social. L'ordolibéralisme se distingue du libéralisme pur, qui postule le laisser-faire. 

Monnaie commune 

Elle se distingue de la monnaie unique en ce qu'elle permet des ajustements concertés entre les monnaies nationales qui la composent, et qu'elle sert de vecteur des échanges avec les autres économies. Elle permet aux pays membres de régler leurs compétitivités relatives par des dévaluations et d'échapper aux mouvements spéculatifs à l'intérieur de sa zone. 

Jürgen Habermas 

Philosophe allemand, né en 1929, pour qui un «patriotisme constitutionnel», autrement dit l'attachement à la démocratie, doit remplacer la référence à l'Etat-nation dans son pays, après le nazisme. 

samedi 29 mars 2014

Pour Un Carême Mystique (4/4) : Maître Intérieur Et Royauté !!!

Samedi 29 mars 2014 
 Tentation-au-desert.jpg
Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne ; il lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit : « Tout cela je te le donnerai, si tu te prosternes et m’adores. » Alors Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Le Seigneur ton Dieu tu adoreras et c’est à lui seul que tu rendras un culte. » Alors le diable le laisse, et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.

La dernière épreuve qui attend le Christ est double. D'une part, c'est la tentation matérialiste et d'autre part celle de l'emprise spirituelle.

Le diable lui propose rien de moins que de régner sur les royaumes du monde. Or la mission du Christ, qui est aussi la nôtre, n'est pas d'instaurer un règne coercitif sur les Hommes et sur la Nature. Notre mission est d’œuvrer en parfaite intelligence avec la Nature et les Hommes afin de préparer la venue du Royaume.

Être chrétien, c'est prendre conscience que l'essentiel n'est pas la conquête du pouvoir ou la course aux richesses mais le rétablissement des liens avec le prochain et avec Dieu. On le sait, la course au pouvoir est fluctuante, capricieuse et passagère, elle focalise l'attention et l'énergie sur l'ivraie, c'est-à-dire sur le toxique, sur l'illusion. Seul les liens entre les Hommes sont réels, seul la conquête de nos passions nous inscrit dans le durable, seul la guérison de nos blessures est réellement important.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas rechercher l'évolution sociale. La pauvreté n'est pas une valeur en soi, de même que le refus des plaisirs de la vie n'apporte rien au développement spirituel. Au contraire, il peut même entretenir un esprit chagrin et frustré contraire à la joie profonde qui devrait animer toute personne en quête. Non, l'essentiel c'est l'état d'esprit dans lequel on vit, le degré d'indépendance par rapport aux biens matériels et aux plaisirs, la force de générosité et d'amour qu'on permet d'entrer dans notre coeur.

Mais cette dernière épreuve ne concerne pas que la poursuite cupide de richesses ou de pouvoir matériel. Elle concerne aussi le pouvoir spirituel. Car on peut régner de manière dictatoriale spirituellement. Cette cupidité là est d'un autre ordre, peut-être plus grave que la précédente. On instaure un pouvoir spirituel auquel on soumet les peuples, chaque âme prêtant une allégeance forcée est comme un sac d'or extorqué au paysan.

C'est à cette dernière tentation qu'ont cédé et que cède encore bon nombre d'Eglises, de sectes ou autres chapelles racoleuses. Tout est bon pour attirer à soi. Or, la vraie spiritualité est une voie d'éveil, une voie d'évolution. C'est humblement, par une liberté souveraine et irréductible que l'âme doit s'engager à la suite de Dieu.

Certes, on peut avoir des compagnons de route, c'est même souhaitable puisque la relation à l'autre fait partie du chemin et d'une spiritualité réellement vécue. Certes, on peut être guidé un temps dans son cheminement par quelqu'un ayant emprunté une route similaire mais en aucun cas le chemin ne peut s'accomplir sous la coercition fut-elle des plus subtile.

Il n'y a donc aucun « pouvoir spirituel » venant de l'extérieur qui est légitime. Le prêtre, le pasteur, le rabbin, l'imam ou le maître ne peut exercer qu'un rôle d'éveilleur. Le ministre, le président, le roi, l'empereur, ne peut exercer qu'un rôle de protecteur et d'organisateur de la Cité. Le Christ dira : « Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi, car un seul est votre enseignant, tandis que vous êtes tous frères.  En outre, n’appelez personne votre père sur la terre, car un seul est votre Père, le Céleste. Ne vous faites pas non plus appeler maître, car un seul est votre maître, le Christ. »(Matthieu 23 ; 8-10)

Et Paracelse d'en tirer les conclusions qui s'imposent : « Un homme n'a pas, par principe, plus de pouvoir qu'un autre, l'un en a autant que l'autre. C'est pourquoi personne n'est maître du temple du savoir, personne n'est maître du corps, personne n'est maître de l'âme, excepté Dieu seul, excepté le Christ. Ainsi, comme personne n'est plus qu'un autre, qui déterminera qui doit être prêtre, curé, moine, ceci ou cela ? Personne n'ayant ce pouvoir, en cela tout homme est comme un autre dans les dons. Si celui-ci a le don de guérir, l'autre a le don de la sagesse. Lequel maintenant est maître de l'autre ? Ne sont-ils pas égaux, l'un par rapport à l'autre ? Si celui-ci a le pouvoir de lier, l'autre a le pouvoir de délivrer. Lequel est plus... ? Ils sont différents les uns des autres : la différence de l'un est d'enseigner et d'être docteur ainsi les autres ne le sont pas. Mais si l'un est différent de l'autre, il n'a pas pour autant plus de pouvoir ou il n'est pas plus, mais moins et l'autre aussi est moins. »(Paracelse, De re templi ecclesiastica).

Le maître est intérieur, c'est le Christ présent en chacun. Le seul pouvoir spirituel est celui qu'on acquiert individuellement, par volonté et par Grâce, sur nos passions, sur notre coeur et sur notre existence.

Les épreuves auquel Jésus se soumet, sa confrontation avec le Diable dans le désert, ont une portée initiatique. Elles ne sont pas une punition imposée par Dieu à l'humain Jésus mais un combat voulu par lui, une épreuve dont la résolution victorieuse va le renforcer en même temps qu'elle inaugure la victoire de l'Humanité sur le mal. Comme dans tous ses actes, de par le fait de sa nature humaine, l'action du Christ engage toute l'Humanité,ChristRoi.jpg c'est-à-dire chacun d'entre nous dans son individualité.

Les trois épreuves au désert sont trois épreuves qui attendent chaque croyant, tôt ou tard confronté à la nécessité de nourrir son esprit autant que son corps, de faire le discernement permettant de distinguer les pierres du pain, d'avoir une juste conception du Dieu d'Amour et de se dégager de la tentation de la coercition sur autrui et sur l'environnement... Ainsi l'Homme se renforce réellement, il devient libre, est couronné roi véritable et les anges le servent. 

Par Sébastien Morgan Publié dans : anges, vertus & esprit chevaleresque Communauté : Religions en toute liberté
 

Le dîner du Siècle se rapproche de l’Élysée !!!

INFO PANAMZA. Entre les deux tours des élections municipales, l’élite de France a festoyé en toute tranquillité. Le Siècle -association mondaine regroupant les principaux dirigeants politiques, économiques, culturels et médiatiques du pays- s’est réuni hier soir à deux pas de l'Élysée.
                                                       Le 27.03.2014 à 14h51
Mercredi 26 mars, la visite d'État du Président chinois a suscité l'exaspération des riverains et automobilistes transitant par le 8ème arrondissement de Paris. Coeur névralgique de l'irritation, le quartier autour du palais de l'Élysée (situé au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré) a vu sa circulation perturbée en raison du dîner organisé en l'honneur du dirigeant de Pékin. À quelques mètres de là, au numéro 33 de la même rue, un autre rituel se tenait: le dîner du Siècle, réuni désormais dans les locaux huppés du Cercle de l'Union interalliée. La devanture de son siège antérieur -l'Automobile Club, situé place de la Concorde- connaît actuellement des travaux qui encombreraient le balai traditionnel des chauffeurs venant récuperer les convives du Siècle.
Hier soir, ils furent nombreux à se rendre au dîner du mois : entre autres, des journalistes (PPDA, Arlette Chabot, Catherine Nay, Alexandre Adler), des parlementaires (François Baroin, Patrick Devedjian, Henri Weber, Luc Châtel), Alain Terzian (président des Césars), l'avocat et ancien ministre de la Justice Dominique Perben, la juriste Anne Levade, le banquier d'affaires Lionel Zinsou, Michel Boyon (ex-président du CSA), Michel Cicurel (ex-président de la Compagnie financière Edmond de Rothschild, aujourd'hui administrateur de Bouygues Télécom, Publicis et la Société générale), le politologue Olivier Duhamel, la philosophe Monique Canto-Sperber, l'islamologue Gilles Kepel -liste non exhaustive. Nathalie Kosciusko-Morizet, également membre du Siècle, n'était pas présente.
Début 2011, deux mois après la manifestation organisée par le réalisateur Pierre Carles devant le siège du Siècle, un site américain avait obtenu et dévoilé la liste confidentielle de ses membres. Ce club très fermé cultive une certaine opacité comme en témoigne la séquence vidéo suivante. En 2008, l'animateur Karl Zéro avait interrogé Alain Lambert, membre du Siècle et ex-ministre du gouvernement Raffarin. Pour avoir capturé et diffusé les images d’un dîner auquel il assistait, cet ancien sénateur UMP a dû faire amende honorable et profil bas en retirant la vidéo de son site.
Pour en savoir plus sur le Siècle et son mélange des genres (faire, par exemple, se côtoyer journalistes et politiques, notamment en pleine campagne électorale), Panamza vous propose de découvrir ci-dessous le reportage réalisé en novembre 2011 par l'auteur de ces lignes. 
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Il est 22h30, place de la Concorde à Paris, ce mercredi 23 novembre. Un homme s’échappe à toute allure de l’Automobile Club de France : il s’agit de Denis Olivennes, patron d’Europe 1. Je l’interpelle afin de connaître son opinion sur le Siècle, ce club huppé et discret qu’il vient à peine de quitter. « Ah non ! Sûrement pas ! », s’exclame en hâtant le pas vers sa mini noire l’ancien dirigeant de la FNAC et du Nouvel Obs. Curieux manège: un mois plus tôt, c’est le même homme qui prit congé, toujours en premier, de l’assemblée mondaine.
Contrairement à la plupart des convives, il n’est pas demeuré sur le trottoir, à ces deux reprises, afin de prolonger la conversation avec les possédants du pouvoir. En cette fraîche soirée de novembre, il avait pourtant l’embarras du choix pour tenir causette : le présentateur David Pujadas, le Pdg de France Télévisions, Rémy Pflimlin, les ministres Nathalie Kosciuzko-Morizet et Xavier Bertrand, le directeur de Sciences Po, Richard Descoings, le président de l’Institut français, Xavier Darcos, l’ex-patronne de France 24, Christine Ockrent, ou le Pdg du fonds d’investissement PAI Partners, Lionel Zinsou.
Who’s who
Ce dernier, ancien associé de Laurent Fabius et administrateur de Libération, était déjà présent, comme Denis Olivennes, au dîner précédent -celui du 26 octobre. Il faisait partie de la poignée, avec le journaliste du Figaro, Alain-Gérard Slama, et l’associé-gérant de Rothschild & Cie, Hakim El Karoui, à quitter les lieux en dernier. L’air était plus doux et ils furent nombreux alors à prendre leur temps pour se dire au revoir : Rachida Dati, la journaliste Catherine Nay et Alain Terzian, président de l’Académie des Césars, s’en allèrent ensemble dans la voiture avec chauffeur de la maire du VIIème arrondissement de Paris tandis que l’ancien ministre du Budget, Eric Woerth, semblait quelque peu délaissé par ses camarades.
Autour d’eux, c’était le défilé des powerful people: le producteur de cinéma Marin Karmitz, les journalistes Arlette Chabot et Serge Moati, l’avocat de Jacques Chirac et DSK, Jean Veil, l’ex-Pdg de Renault, Louis Schweitzer, l’éditrice Teresa Cremisi, le chroniqueur littéraire Pierre Assouline, l’ancien balladurien Hervé Gaymard, l’eurodéputé socialiste Henri Weber, le ministre et membre du Nouveau Centre, François Sauvadet, l’éditorialiste Nicolas Baverez et l’essayiste François Heisbourg, entre autres.
En octobre comme en novembre, je n’ai pas aperçu les autres illustres happy few du cénacle, notamment Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT et nouvelle présidente du Siècle, les socialistes Martine Aubry, François Hollande et Manuel Valls, le ministre des Finances, François Baroin, Jean-Christophe Le Duigou, syndicaliste de la CGT, Edouard de Rothschild, devenu copropriétaire -via une rencontre effectuée au Siècle- de Libération, François Bayrou, Jean-Pierre Chevènement, le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, le Premier ministre François Fillon, le directeur du Monde Eric Izraelewicz, son confrère de Libération, Nicolas Demorand, le Pdg du groupe RMC/BFM, Alain Weill, ou même l’actuel président de la République, Nicolas Sarkozy.
Le ghetto du gotha
Il y a foule sur le trottoir qui longe l’hôtel du Crillon. Pour cause: ils sont à peu près 300 à se réunir, dix fois par an le quatrième mercredi du mois, au dîner organisé par Le Siècle, une association surnommée le « cercle des cercles »qui comprend, de manière confidentielle, environ 900 personnalités -751 membres de plein droit et 159 simples invités- toutes issues du gratin hexagonal. L’ordonnancement de la soirée répond à un protocole strict : 40 tables de 8 convives disposés à l’avance se répartissent dans la salle, des thèmes de conversation sont prédéfinis et le repas débute à 21h après un apéritif au cours duquel on papote et on badine au-delà de l’échantillon de ses partenaires de table.
C’est le lieu par excellence pour tisser des réseaux. Cartes de visites et embrassades familières s’échangent, avant et après le dîner, au gré des croisements de fortune. Pas de conspiration mais de la connivence, des affinités, des stratégies de rapprochement: fondé sur la cooptation des pairs, le Siècle est un complot à ciel ouvert. Ni loge secrète ni salon BCBG. Une caste transversale de privilégiés s’y retrouve, s’observe et s’entraide au besoin, discrètement si possible. La super-classe fréquente là son école de vanité. Aucun problème si ce n’est celui de l’étanchéité des élites et le double risque du conflit d’intérêts et de la collusion, entre grands patrons et syndicalistes d’une part, journalistes et hommes politiques d’autre part.
Festin des Rois
A la fin de la seconde guerre mondiale, un groupe de jeunes gens, mené par le journaliste radical-socialiste Georges Bérard-Quélin, décide de « créer un pont entre des mondes qui s’ignorent trop en France » et de « renforcer les chances de succès des jeunes en les faisant se connaître et s’épauler »  : tels sont les statuts officiels de l’association dénommée « Le Siècle » et fondée en 1944 sous la direction d’un franc-maçon lyonnais, bientôt patron de la Société générale de presse. « Aujourd’hui, on a gardé l’idée du brassage générationnel. En ce moment, on recherche plutôt des intellectuels, des scientifiques, des personnes issues de la diversité. On essaie de recruter des plus jeunes aussi, autour de la trentaine, de la quarantaine », affirme Etienne Lacour, actuel secrétaire général du Siècle et véritable maître de cérémonie de la confrérie ultra-select. Comprenez que la vaste majorité de ses membres est, pour le moment, davantage blanche, masculine et senior.
Une oligarchielongtemps discrète et incarnée dans une assemblée vaguement hétérogène, façonne chaque mois les contours de la doxa, qualifiée ailleurs de « pensée unique ». Les extrêmes politiques y sont bannis tandis que les figures issues de la société civile ou des quartiers populaires y sont invisibles. Comme le remarquait déjà Le Monde en 2007, « très peu de femmes, de Beurs, ou d’écologistes ». Les rares Noirs ou Arabes sont, à l’image de l’ex-partisan de Ben Ali et ancien président de l’Institut des cultures d’islam, Hakim El Karoui, fils de notables plutôt qu’enfants des cités.
« Comme on va aux putes ! »
« On va aux dîners du Siècle pour le pouvoir », affirme avec une rare franchise Jean-Louis Beffa, ancien dirigeant de St-Gobain. « J’y vais comme on va aux putes ! », me rétorque, à la sortie du dîner de novembre et sous couvert d’anonymat, le dirigeant influent d’un média audiovisuel. Deux jours plus tôt, le lundi 21 novembre, j’avais longuement interrogé Denis Jeambar, autre figure médiatique et membre de longue date du Siècle.
De retour de l’Elysée où il s’était rendu à la décoration de son ami -et convive du Siècle- Claude Allègre, l’ex-patron de l’Express tient à démystifier l’aura du Siècle: « C’est juste un club de conversation, rien de plus ! Sans aucun renvoi d’ascenseur… sauf peut-être pour Alain Minc qui en a bien profité… Il y a tant de fantasmes à propos du Siècle, c’est juste ridicule ! Pour avoir fréquenté jadis un groupe bien plus secret et puissant, dans lequel j’ai mis un pied avant de vite m’en retirer, je peux vous affirmer que le Siècle n’a rien d’une conspiration ! ». A ma question portant sur l’identification de ce « groupe bien plus puissant », Denis Jeambar élude et botte en touche, se contentant de « se réjouir que nous ne sommes pas dans un pays fasciste car, si ces gens que j’ai vus dans ce groupe très restreint parvenaient aussi facilement à collaborer à des fins négatives, nous serions alors en danger. Mais, rassurez-vous, il n’en est rien ! ». Me voilà rassuré.
Géopolitique sur le trottoir
Une fleur jaune accrochée à son veston, Gilles Kepel déambule avec nonchalance le long du trottoir jouxtant l’Automobile Club de France tout en discutant avec Lionel Zinsou à propos de l‘avenir géostratégique des pétromonarchies du Golfe. Croisé à la sortie du dîner de novembre, cet éminent politologue, spécialiste du monde arabo-musulman, me confirme à sa manière les propos de Denis Jeambar: « Nous sommes ici dans un lieu de conversation, d’émulation intellectuelle. Il serait vulgaire de se demander des services. C’est fascinant par ailleurs d’écouter tel ou tel expert nous évoquer un sujet dont nous ne savions rien ». A ma remarque relative à l’absence quasi-totale de représentants des « minorités visibles » parmi les convives, il me réplique, l‘air peiné: « Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Le Siècle reflète les élites de ce pays ».
Un vent éphémère de révolte
Une nouvelle aristocratie qui a senti le peuple gronder. C’était en octobre 2010: à l’initiative du réalisateur Pierre Carles, des activistes, portés sur la critique des médias et sympathisants -pour la plupart- de la gauche radicale, s’étaient réunis aux abords du Crillon pour huer l’arrivée des adhérents du Siècle. J’avais assisté alors au curieux spectacle de cet anti-festival de Cannes au cours duquel des célébrités pressaient le pas pour ne subir les invectives potaches d’une foule en délire. Le mois suivant, l’ambiance bon enfant avait disparu: le maillage policier avait été instauré afin de réprimer férocement les manifestants, à nouveau mobilisés. Celui qui était encore le président du club, l’ex-n°2 du Medef Denis Kessler, avait saisi cette occasion pour dénoncer, dans une tribune publiée par Le Monde, les « manoeuvres d’intimidation » exercées par des « populistes irresponsables » sévissant sur Internet.
Plus d’une trentaine de citoyens, sur près de 250 personnes présentes sur les lieux, ont été ainsi embarqués dans des fourgons grâce au zèle de Michel Gaudin, préfet de police de Paris et également membre du Siècle. Rebelote en janvier, avec deux bus acheminés vers les commissariats pour plus de 70 arrestations. Quelques mois plus tard, les opposants au Siècle, visiblement échaudés, seront moins assidus : en mai, certains d’entre eux, issus notamment du groupe des Désobéissants, seront interpellés pour « tentative de manifestation non déclarée ». Le mois suivant, deux militants d’un groupe anarchiste se feront brutalement arrêtés par la police. En juillet dernier, hormis une web-activiste et un homme facétieux avec les CRS, la place de la Concorde était quasiment vide de toute présence hostile au dîner du Siècle. Et au cours des deux derniers dîners d’octobre et novembre, j’étais le seul observateur extérieur à être sur place, à l’exception des nombreux chauffeurs de VIP et des policiers en civil -tendance jean, veste bomber et cheveux ras.
Occupy Le Siècle 
Qu’est-ce que le Siècle, finalement ? Un « système de dons et contre-dons », suggère la sociologue Monique Pinçon-Charlot. Le but poursuivi par ses participants ? « Augmenter son capital social sous couvert de sociabilité mondaine ». Et si le club se prétend apolitique, le curseur de ses membres penche plutôt à droite. Comme le révéla Le Monde diplomatiqueprès des trois quarts du gouvernement Balladur se retrouvaient à la table du Siècle.
Pour autant, le club n’est pas une machine de guerre pour l’UMP. Plutôt l’aristocratie cool et opaque du futur, parisienne et hyper-mondialisée, nichée au cœur de la République tout en surplombant celle-ci. Non pas la France d’en haut mais la France du Très-Haut, endogène et sacralisée, intouchable et bunkérisée, possédant la richesse et influant les idées. Ou la concrétisation d’un fantasme partagé par tous les « indignés » du monde: le rassemblement, en un lieu concret et un moment précis, des puissants, tous mêlés, qu’ils soient héritiers ou nouveaux riches, corrompus ou intègres. Le Siècle, cible cruellement idéale pour toute insurrection à venir.
HICHAM HAMZA